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anamain entre deux frênes[1]. Voilà un des points de la science technique que les bardes n’étaient pas tenus de posséder. Ils pouvaient se dispenser d’étudier l’écriture ogamique. Ils n’avaient pas non plus besoin de connaître le mètre poétique, deach. Les grammairiens irlandais distinguent huit deach. Le premier est le monosyllabe ; le second le dissyllabe, et ainsi de suite jusqu’au mot de huit syllabes. La grammaire irlandaise appelle la syllabe dialt, et a un terme spécial pour désigner chacun des huit deach, depuis le monosyllabe jusqu’à l’octosyllabe[2].

Les bardes n’étaient pas obligés de connaître cette nomenclature grammaticale. Volontaires de la poésie, ils étaient peu appréciés des poètes officiels. On le voit surtout dans le Dialogue des deux docteurs. Cette pièce, dans l’état où nous la possédons, date probablement du commencement du neuvième siècle, mais renferme des éléments plus anciens et tout à fait païens. Deux file se disputent la robe et la chaire d’ollam ou chef des file à Emain Mâcha, capitale de l’Ulster, en présence du roi épique Conchobar ; ce sont Nédé, jeune fils du défunt ollam. Adné, et Fercertné. Il y a entre eux, sous forme de dialogue, une lutte bizarre de science et d’éloquence, et l’un d’eux finit par prédire un déluge de maux qui, avant la fin du monde, pleuvra sur l’Irlande :

  1. The Amra Choluim Chilli, p. 16.
  2. Glossaire de Cormac, chez Whitley Stokes, Three irish Glossaries, p. 16-17 ; Sanas Chormaic, p. 56-57.