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conseil de guerre. Probablement, Toussaint voulait gagner du temps, afin que Jean François, aussi doux que Biassou était emporté, pût intervenir. « Dans une circonstance aussi malheureuse, ajoute Gros, notre espoir ne gisait que sur les citoyens de couleur qui nous avaient pris en affection : précisément Candy était à la Grande-Rivière avec une partie de ses gens… » Auparavant, il déclare avoir eu de grandes obligations à ce chef de couleur, ainsi qu’au mulâtre Doré. Candy, néanmoins, s’est montré plus d’une fois cruel dans cette guerre, étant sous les ordres de Jeannot ; mais peut-être était-il dominé alors par la crainte de périr de la main de ce monstre, ou n’exécutait-il que ses instructions, tandis que, dans la circonstance dont parle Gros, Jeannot avait été déjà fusillé. — Pamphile de Lacroix semble être de cette opinion.

Raynal et Duplessis avaient apporté une lettre des commissaires civils qui invitaient les chefs noirs à une entrevue sur l’habitation Saint-Michel, à la Petite-Anse, tout près du Cap.

Au jour désigné, Jean François seul s’y rendit. Biassou, méfiant et soupçonneux, mécontent de l’assemblée coloniale, ne voulut point s’y trouver, quoiqu’il accompagnât Jean François non loin du lieu de la conférence.

La jalousie de l’assemblée coloniale contre les commissaires civils éclatait déjà à tel point, qu’ils se virent obligés de la prier d’envoyer avec eux des commissaires pour être témoins de leur entretien avec les chefs noirs. D’autres colons s’y joignirent, et parmi eux, le nommé Bullet, ancien maître de Jeannot. Oubliant que c’était Jean François qui avait purgé la colonie de cet homme si féroce, Bullet fut assez hardi pour frapper le généralissime