Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/345

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ils pas autant de droits que leurs frères, nègres affranchis en vertu des lois coloniales, que leurs enfans mulâtres affranchis également ou nés de père et de mère libres, mais sortis de leur sein ? À partir du jour où une femme noire avait donné naissance à un enfant, produit par sa copulation avec un blanc, et que celui-ci avait rendu à la liberté naturelle la mère et l’enfant, l’esclavage était frappé dans sa base, l’affranchissement des noirs n’était plus qu’une affaire de temps.

Nous avons vu par quelles dérogations à l’édit de 1685, les rois de France, successivement, entravèrent l’affranchissement que cet édit favorisait ; nous avons prouvé que ce fut à la sollicitation des colons eux-mêmes que ces nouvelles dispositions furent édictées, alors que le préjugé de la couleur commençait dans les colonies. Aussi ces possesseurs d’esclaves devinrent-ils furieux contre les mulâtres, contre les nègres libres, dès que ceux-ci pétitionnèrent pour obtenir leur assimilation aux blancs. Ils virent clairement, que l’émancipation politique de la classe intermédiaire, née du régime colonial, amènerait inévitablement, tôt ou tard, celle des esclaves, tant par l’effet des mêmes principes, que par les liens qui attachaient les affranchis aux esclaves, et par les sentimens qui naissaient de ces liens de famille. Car, il était impossible, nous le répétons, que les mulâtres et nègres libres, quoique possesseurs d’esclaves eux-mêmes, il est vrai, n’éprouvassent pas pour ces derniers des sentimens au moins égaux à ceux qui avaient déterminé les colons blancs à affranchir les femmes noires et les enfans issus de leurs œuvres. C’eût été le comble de toutes les monstruosités, que de voir la classe intermédiaire moins généreuse, moins juste