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confiscation de leurs biens au profit des blancs incendiés[1]. »


On le voit : la classe des mulâtres est réellement le cauchemar qui pèse sur la poitrine des colons et l’empêche de respirer : déportez, détruisez les mulâtres, et il sera facile de subjuguer les nègres, de les maintenir dans l’esclavage. La cause de ces deux classes est donc essentiellement identique. Les prétendus bienfaiteurs des mulâtres voient avec horreur l’existence de cette classe, devenue pour eux le plus grand obstacle au maintien de l’affreux droit de propriété que le régime colonial leur a créé sur les noirs. Dans l’origine des colonies, privés de femmes de la race blanche, les colons ont dû s’unir à des femmes noires ; de cette union naturelle sont nés les mulâtres dont la classe s’est accrue par sa propre reproduction ; elle gêne, elle embarrasse maintenant ces hommes blancs qui n’ont pas eu le sentiment de l’amour pour leurs esclaves ; et de ce que les mulâtres réclament les droits qu’ils tiennent de la nature en leur qualité d’hommes, de ce que des hommes généreux et justes, dans la métropole, soutiennent leurs réclamations et les font triompher, les colons ne songent qu’à la destruction de ceux qu’ils appellent des fils dénaturés ! Qui donc forfait aux bons sentimens de la nature, entre eux ou vous, colons de Saint-Domingue ?…

C’est une chose remarquable, que la déportation était tout à fait du goût de ces hommes qui n’osaient pas proposer tout haut la destruction des mulâtres et des nègres libres, ou qui avaient honte d’exprimer ce vœu,

  1. Rapport de Garran, t. 3, pages 36 et 37.