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ce désir cruel : déporter dans une île déserte, isolée de toutes communications, équivaut bien à tuer.

En octobre 1791, les blancs du Port-au-Prince veulent détruire les nègres suisses (c’est toujours la même race), et ils proposent de les déporter sur les plages de la baie des Mosquitos où ils auraient eu à combattre tout à la fois, et contre la faim et contre les Indiens sauvages ; mais ils ont soin de les faire jeter sur l’une des îles désertes de ces côtes, pour en finir plus vite.

En 1792, Barillon propose de déporter les mulâtres dans l’île de l’Ascension, près des côtes de Guinée.

Et en 1814, Malouet, ministre de la marine et des colonies, ancien colon de Saint-Domingue, un de ces hommes qui n’avaient rien oublié ni rien appris, Malouet se proposait de déporter les mulâtres et les nègres éclairés parmi les Haïtiens, à l’île de Ratan, dans la baie de Honduras,… sans doute par réminiscence de l’affaire des infortunés suisses et pour n’avoir pas à faire un long trajet[1].

Les dispositions de la loi du 4 avril et sa publication obligée, ayant restreint le pouvoir de l’assemblée coloniale et relevé celui du commissaire Roume et de Blanchelande, ce dernier profita du concours qu’il reçut dès lors de la part des hommes de couleur du Nord,

  1. En 1814, aussitôt l’arrivée à Kingston du colonel Dauxion-Lavaysse, principal agent de la mission d’espionnage envoyée à Haïti par Malouet, il y parut un livre où la population d’Haïti était divisée en six classes. Le sort des mulâtres et des nègres éclairés, y était-il dit, était d’être transporté ou déporté à l’île de Ratan, dans la baie de Honduras. Cet ouvrage fut publié sous l’influence de Dauxion-Lavaysse, ainsi que l’a dit Pétion, dans sa lettre du 6 octobre 1816 aux commissaires français envoyés alors près de lui, puisque les mêmes catégories étaient insérées dans les instructions secrètes trouvées par H. Christophe sur Franco de Médina, l’un de ces espions.