Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Accablés par les embarras et les travaux, dit-il, si les colons se livrent encore à des vices, la mort les atterre comme la faux renverse les épis. Presque tous abreuvés du poison de l’envie, ils sont écrasés sous mille jougs ; rien n’est si douteux que leur sort. Ardens dans leurs désirs, et furieux dans leurs pertes, loin de s’aider mutuellement, ils sont tous ennemis, semblables à des tigres, qui se déchirent entre eux, sous la griffe des lions….

» Les créoles de Saint-Domingue… auraient eu l’esprit social, si la nature du gouvernement n’avait pas nui au lien de la société… Ils auraient beaucoup d’excellentes qualités, s’ils pouvaient vaincre leur tempérament ; mais le tempérament est ordinairement le plus fort : leurs vices ne sont que les vices du climat, accrus par des désordres politiques.

» Ils n’ont point de penchant au crime, il est rare de les voir s’y livrer ; mais de douze crimes commis depuis cent ans par les créoles, il n’en est pas un seul où la brutalité, la colère et la vengeance n’aient guidé la main du coupable ; ils ne sont jamais barbares à demi

» Ils sont humains et bienfaisans envers tous les blancs ; la vertu qui embellit le plus l’homme, c’est l’humanité : qui ne plaint et ne secourt personne, ne mérite pas qu’on le plaigne ou qu’on lui donne du secours ; mais avec les nègres, ils oublient souvent toute espèce de vertu…

» Les femmes créoles sont fières avec ceux qui leur sont inférieurs… compatissantes pour les blancs, elles n’en ont pas moins de rigueurs pour leurs esclaves

» Les mœurs des Européens qui sont dans la colonie ne ressemblent point à celles des créoles qui sont ceux qui