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ravages immenses qui signalèrent l’insurrection de ceux du Nord, occasionnée principalement par les intrigues des blancs contre-révolutionnaires, partisans du gouvernement royal, ne visant qu’au rétablissement de l’ancien régime colonial.

Dans le Nord, ce sont les passions des aristocrates européens qui arment le bras de l’esclave de la torche et du poignard, pour triompher de leurs adversaires, blancs comme eux-mêmes, et qui se ménagent dans ces excès un argument contre leurs instrumens, qu’ils ont l’intention de maintenir dans la servitude.

Dans l’Ouest et dans le Sud, ce sont les frères et les enfans de l’esclave qui le soulèvent pour arriver graduellement à la liberté, en conservant les propriétés, en maintenant l’ordre autant que possible, pour rendre ces nouveaux libres plus dignes de la conquête de leurs droits. Les hommes de couleur réparent ainsi la faute qu’ils ont commise à l’égard des suisses.

D’un côté domine le sentiment de l’orgueil, irrité des progrès de la révolution qu’il veut arrêter.

De l’autre domine le sentiment de la fraternité, qui profite de la marche ascendante de cette révolution, pour en assurer les heureux résultats au plus grand nombre.

Une autre observation à tirer des faits que signale la lettre d’André Rigaud, c’est que, dès le mois de septembre 1792, avant l’arrivée des nouveaux commissaires civils, ce révolutionnaire apparaît aux noirs du Sud comme le protecteur de leurs droits. De là l’influence particulière qu’il exerça personnellement sur eux ; de là l’attachement et le dévouement qu’ils lui montrèrent un jour, quand il eut à lutter contre Toussaint Louverture.