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l’esprit religieux que la Grande-Bretagne a dû l’honneur d’être entrée si franchement, si libéralement dans la voie de l’émancipation de cette race ? La commission française, formée en 1840, a démontré cette vérité d’une manière incontestable, dans son lumineux rapport de 1843. Mais, si les prêtres catholiques eux-mêmes, à Saint-Domingue, oublièrent leur mission sur la terre pour devenir possesseurs d’esclaves, pour pratiquer tous les vices qui régnaient dans cette colonie, il n’est pas étonnant que les gouverneurs, les intendans, les magistrats aient subi l’influence de l’atmosphère corruptrice où ils vivaient.


Lorsqu’on lit les réflexions judicieuses de Moreau de Saint-Méry, sur les actes qui honorent les hommes de la race noire, qu’il reconnaît susceptibles de sentimens élevés, en qui il démontre l’intelligence qu’on leur déniait[1], lorsqu’on lit les passages où cet esprit éclairé proclame l’utilité de ces hommes pour la prospérité matérielle des colonies, leur dévouement à la métropole et à Saint-Domingue même, on ne peut que déplorer l’aveuglement du préjugé de la couleur (qui dégrade encore plus ceux qui s’en font une sorte de religion politique que ceux qui en sont l’objet), en apprenant qu’il n’a pas montré dans sa conduite, en France,

    couleur et les noirs libres parviennent indistinctement aux emplois civils, militaires, et même ecclésiastiques ; car il y a des noirs revêtus de l’épiscopat dans leurs possessions de l’Amérique du Sud. » (Paroles de Sonthonax aux Débats, t. 2, p. 112.)

  1. « Des hommes, dit-il, tels que Lasneau (mulâtre) accusent de rigueur un préjugé qui ne leur permet jamais, ni à leur descendance, l’espoir de se confondre avec ceux dont une noble et généreuse hospitalité, et une conduite que tout le monde estime, les rapprochent sans cesse. » (Description de Saint-Domingue, t.2. p. 794.)