Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/141

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pulation illusoire ? Cet avantage étant accordé aux Français, les autres puissances n’auraient pas manqué de le réclamer en faveur de leurs nationaux, et il aurait fallu y consentir ; et alors, les Haïtiens auraient-ils pu soutenir la concurrence avec eux tous[1] ?

Ensuite, par l’article 4 du traité qui, en cela, était politique, l’agent d’Haïti compromettait les dispositions de la constitution et celles du code civil par une convention dangereuse. Ces dispositions existaient, et cependant cet article, dans son second membre, admettait des suppositions conditionnelles pour le cas « où des lois haïtiennes limiteraient, interdiraient, viendraient à être promulguées, etc., » par rapport au droit de propriété « sur certaines natures de bien. » Les blancs ou tous étrangers quelconques ne pouvant être propriétaires de biens fonciers, ni usufruitiers à vie de tels biens, ni succéder qu’aux biens meubles laissés en Haïti par leurs parens étrangers ou haïtiens ; l’Haïtien ne pouvant disposer, par testament ou donation, que de ses biens meubles en faveur d’étrangers (art. 450, 479, 587 et 740 du code civil, corrélatifs aux art. 38 et 39 de la constitution de 1816), comment le cas aurait-il pu arriver que des Français eussent été « héritiers ou légataires de biens qu’ils ne pouvaient posséder, — » d’immeubles, par exemple, — pour qu’il leur fût accordé le délai d’un an pour en disposer ? » Ce fut une aberration de la part de M. Saint-Macary, que d’avoir engagé Haïti dans une semblable convention avec la France[2].

  1. Il aurait fallu accorder la même faveur à tous les étrangers, sous peine de vouloir replacer Haïti, à leurs yeux, sous la condition de colonne française ; et ils auraient eu raison de juger ainsi.
  2. L’interprétation diplomatique serait survenue ensuite ; on nous aurait dit : « Vous avez admis la possibilité du fait dans un traite obligatoire pour vous, or, voici un cas qui se présente (un legs testamentaire, nul de droit) : donc le fait peut continuer a exister. » Et qu’on n’oublie pas qu’Haïti était débitrice à peu près insolvable !