Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/156

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depuis la révolution de juillet, le gouvernement de Louis-Philippe ne pouvait rompre avec tous les droits acquis aux particuliers sous le règne précédent ; il ne pouvait pas plus renoncer à l’indemnité consentie en faveur des colons, qu’abroger la loi qui accorda un milliard d’indemnités aux émigrés français, bien que les anciens membres de l’opposition, qui avaient repoussé cette dernière loi dans la discussion des chambres législatives, se trouvassent maintenant au pouvoir. Or, après l’offre spontanée d’une indemnité faite par Pétion et par Boyer lui-même ; après l’acceptation par ce dernier de l’ordonnance du 17 avril 1825 ; après la loi de répartition de cette indemnité, publiée en France ; après tous les projets de convention entre les deux gouvernemens pour le payement intégral de cette indemnité ; les anciens colons avaient un droit acquis aux yeux de leur gouvernement. Pour les convaincre et se convaincre lui-même de la nécessité d’une réduction, il fallait autre chose que des allégations d’impuissance de la part d’Haïti, que l’espoir qu’on y avait conçu à ce sujet en acceptant l’ordonnance fixant la somme à 150 millions. Mais déjà une proposition équitable avait été faite par la commission que présida M. le comte Lainé, de réduire le solde dû de 120 millions à 60 ; et il était réservé à un brave officier français, — ancien colon, — d’émettre la même opinion après avoir eu communication de documens officiels, en Haïti même, qui le convainquirent de l’exiguïté des ressources dont ce pays disposait[1].

Lorsque Boyer reçut de M. Lloyd la note verbale du ministre des affaires étrangères en réponse à la dépêche des grands fonctionnaires, il fut excessivement froissé de la

  1. M. l’amiral A. Dupetit-Thonars, alors capitaine de vaisseau, dans sa mission à Haïti en 1835, le même personnage qui y vint en 1821.