Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/345

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ou tout au moins à penser qu’ils eussent mieux fait s’ils étaient à leur place. D’un autre côté, et ceci est remarquable, toutes les fois qu’une nation est menacée dans son existence politique par une grande puissance, l’intérêt commun oblige chacun à se rallier au gouvernement pour mieux résister ; mais le danger vient-il à disparaître, on s’empresse de vouloir exiger de sa part des réformes intérieures, souvent des modifications dans les institutions publiques, sans envisager s’il y a opportunité de mettre à exécution toutes les idées, tous les plans qui surgissent alors. Haïti ne pouvait échapper, exceptionnellement, à une telle situation[1].

C’est ce que l’on verra dans le livre suivant. On y verra comment l’Opposition, par son langage peut-être imprudent, remua le bas-fond de la société au point de la menacer d’une grande perturbation, sinon d’une subversion totale. En attendant le moment d’en parler, complétons ce qui reste à dire concernant les traités conclus avec la France.


Après que ces traités eurent été ratifiés par le Président d’Haïti et sanctionnés par le Sénat, les plénipotentiaires français firent partir le brig le Nisus pour aller en apporter la nouvelle à leur gouvernement. M. Baudin avait reçu une mission particulière pour la Jamaïque ; il s’y rendit sur le brig le Griffon et en revint vers le 15 mars. Dans l’intervalle, les fonds furent successivement apportés à bord de la Néréide ; ils consistaient en 563,794 gourdes ou piastres ; les

  1. J’ai déjà parlé d’une conversation que j’eus avec le maréchal Clausel, en 1838, Maison-Laffitte (t. 5, p. 296). En me témoignant sa satisfaction des traités conclus entre la France et Haïti, il m’exprima sa pensée sur les embarras que le gouvernement haïtien éprouverait indubitablement à l’intérieur, maintenant que toute crainte cessait par rapport à la France.