Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 11.djvu/247

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mois auparavant, les principales villes du Nord et du Nord-Est. Naturellement, on fut porté à accuser, non l’administration municipale de la capitale dont le pouvoir était et a toujours été nul, mais le gouvernement lui-même, de manquer de prévoyance et de résolution persévérante pour la préserver mieux des incendies qui s’y renouvellent si souvent. La belle fontaine de la place Vallière, privée d’eau depuis si longtemps, étant à deux pas de la pharmacie Daumesnil, on se plaisait à croire qu’il eût été facile de s’opposer au développement de l’incendie, si on avait pu en puiser là.

Quand la société souffre, dans ses intérêts matériels surtout, il n’est pas étonnant qu’elle cherche à qui s’en prendre. En Haïti, comme en France, on a l’habitude d’imputer au gouvernement tout le mal qui arrive sous ce rapport, sans lui tenir toujours compte du bien qu’il opère par de bonnes mesures[1]. C’est une réflexion que les gouvernans de notre pays devraient souvent faire ; et il ne suffit pas de commander, d’ordonner ce qui paraît utile au bien public, il faut encore veiller à l’exécution, veiller avec persévérance et fermeté ; car, — il faut le dire, — on semble aimer à sentir les rênes et le mors. Plus d’une fois, notamment après l’incendie de 1832, des ordonnances de police avaient prescrit que chaque propriétaire ou locataire eût deux seaux appropriés à ces événemens ; jamais on ne les a contraints à les avoir. Et que d’autres précautions ordonnées n’ont jamais eu de suite, ou par l’incurie des habitans, ou par celle des autorités secondaires ! Boyer lui-même n’eut-il pas le tort d’avoir négligé la réparation des fontaines de la ville, puisque tout dépendait de lui ?

  1. Je crois que c’est le spirituel Sterne qui a dit : qu’en France on impute à la faute du gouvernement, les années de grande sécheresse et celles où il pleut beaucoup.