Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 11.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas à être relevé du commandement de l’arrondissement des Cayes pour se porter dans l’Ouest et contribuer à achever la révolution ; et l’on sait qu’il ne cessa de jouir de l’estime publique dans ce département comme dans le Sud, à l’occasion des divers emplois qu’il y remplit[1].

À l’époque où nous écrivons ces lignes, nous nous voyons gêné, en quelque sorte, dans l’expression de nos idées, pour motiver notre appréciation par tout ce que nous pourrions dire en faveur de Fabre Geffrard ; la pudeur nous retient. Cependant, le temps a marché ; il a prouvé que la bonne réputation de ce citoyen s’était étendue dans les départemens de l’Artibonite et du Nord, comme dans les deux autres.

En savez-vous la cause ? C’est que, dans toutes les circonstances de sa vie publique, il a montré une grande intelligence des choses et des affaires de son pays, une modération digne d’éloges, un dévouement, un amour vrai pour tous ses concitoyens, ses frères, sans distinction. En Haïti, ce sont les conditions indispensables du succès pour tout chef qui veut être honoré de son vivant et vénéré par l’histoire et la postérité. Voyez quel a été le sort de ceux qui eurent des sentimens contraires !

En parlant des antécédens de Pétion, depuis l’affaire des Suisses dont il prit la juste défense en 1791, et de sa défection en 1799 et de celle de 1802, nous croyons avoir prouvé que ces actes influens sur les destinées de ce chef et de son pays, ont eu pour mobile ce profond sentiment de frater-

  1. Pendant l’insurrection, une comète parut ; elle était magnifique, et sa queue, vue de la capitale, se prolongeait au sud-ouest. Si le peuple vit dans son apparition un présage de la chute infaillible de Boyer, la faveur dont il entourait déjà le colonel Fabre Geffrard le porta à dire de la comète ! « C’est le panache de Geffrard ! » On sait que les révolutionnaires portaient alors un panache blanc à leurs chapeaux. Et n’est-il pas curieux qu’une autre comète, vue en 1858 au nord-ouest de la capitale, ait été envisagée par le peuple comme le précurseur de la révolution qui a renversé le singulier Empereur d’Haïti ?