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main depuis un an, pour conquérir ses droits naturels ?

Pour résoudre cette importante question, il faut nécessairement distinguer entre les idées et les sentimens de l’homme privé et ceux de l’homme public.

Comme hommes privés, nous ne doutons nullement que Polvérel et Sonthonax croyaient à la légitimité des droits qu’avaient les nègres esclaves à la liberté. Mais, en leur qualité d’hommes publics, ils avaient des devoirs à remplir et ils devaient s’y conformer. La nature de leur mission, les préventions qui les accueillirent, leur prescrivaient peut-être le langage qu’ils ont tenu. Ils venaient pour faire exécuter un décret qui ne statuait que sur le sort d’une classe d’hommes libres, et la loi du temps où ils agissaient comme les délégués de la France, voulant le maintien de l’esclavage, ils ne devaient vouloir que ce qu’elle ordonnait.

Quoi qu’il en soit de la profession de foi des commissaires civils au 24 septembre 1792 (et nous ajournons les explications qu’ils en ont données eux-mêmes), elle produisit son effet en donnant aux colons, à l’assemblée coloniale surtout, l’espoir de maintenir l’esclavage des noirs. Ils le crurent d’autant mieux, que le 4 octobre ces commissaires publièrent une nouvelle proclamation pour ordonner l’entrée en campagne de toutes les troupes, afin de réduire les esclaves dans toutes les parties de la colonie.

La situation de ce pays était affligeante alors. Celle du Cap en particulier offrait le spectacle le plus dégoûtant, par la permanence des roues, des gibets, des exécutions à mort qu’ordonnaient les commissions prévotales contre les esclaves faits prisonniers. La guerre subsistait dans le Nord : des blancs, des hommes de couleur péris-