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de la légion. Leur insolence, éprouvée du temps de Praloto et des autres factieux, recevait une nouvelle impulsion dans ces circonstances.

De leur côté, les mulâtres et les nègres de la légion se rappelaient aussi les temps passés, la fureur de ces anciens ennemis ; et ils ne pouvaient abandonner la cause de Montbrun qui était la leur propre. Remarquons ici que, dans la légion, figuraient les anciens africains de Philibert, les hussards, 9 de Jacmel, jadis armés contre les mulâtres, mais aujourd’hui dans leurs rangs, incorporés avec eux, et devenus leurs amis, leurs soutiens, parce qu’ils sont leurs frères.

Montbrun, convaincu des mauvaises intentions de Desfourneaux, eut assez d’intrépidité pour le prévenir au lieu de se laisser attaquer. Pouvons-nous l’en blâmer ? Lorsque la guerre est inévitable, c’est au général d’armée à juger du moment opportun pour la déclarer. Montbrun la déclara dans la nuit du 17 au 18 mars[1]

La relation de cet événement, consignée dans le Rapport de Garran, est d’un blanc, commissaire de la rade du Port-au-Prince, qui la fît en France un an après. Mais l’impartial rapporteur dit aussi : « On n’a d’ailleurs aucune lumière sûre sur la manière dont cet événement fut amené. Montbrun a imputé à Desfourneaux d’avoir voulu se défaire de lui, pour lui succéder dans le gouvernement de l’Ouest. Desfourneaux et Sonthonax ont dit que Montbrun voulait les embarquer ou les assassiner, pour livrer le Port-Républicain aux Anglais. »

  1. Un écrit de Gatereau, publié en 1797, prétend que Sonthonax donna à Desfourneaux l’ordre d’arrêter Pinchinat et Montbrun ; ce qui obligea Montbrun de se sauver et de se rendre au milieu de la légion : de là le combat contre le 48e régiment.