Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/412

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placé Knappe au Fort-Dauphhn, Péré a pu croire ensuite qu’il y avait lieu de lui substituer Candy. En nommant Laveaux gouverneur général, il aurait dû prévoir ce conflit d’autorité entre le militaire et le civil ; il aurait dû faire cesser les pouvoirs de Péré, avec d’autant plus de raison, que dans ces circonstances, l’autorité militaire était plus apte à diriger la défense des villes et du territoire, et à savoir à qui il fallait la déférer.

D’un autre côté, s’il est constant que la soumission de Candy à Pageot contribua beaucoup à conserver le Fort-Dauphin et son territoire aux ordres du commissaire civil, après la sortie de Pageot de cette ville, Candy a pu croire qu’il avait plus de droit à y commander que Knappe. Et si en ce temps-là, des hommes de couleur trahirent dans le Nord et dans l’Ouest, ces trahisons avaient commencé de la part des officiers blancs, aussitôt après le départ de Galbaud : Candy ne pouvait-il pas redouter une semblable trahison de la part de Knappe, qui l’eût exposé à tomber entre les mains des Espagnols, de Jean François et de ses collègues, qu’il avait abandonnés pour passer aux ordres de la France ? De là son désir d’avoir le commandement du Fort-Dauphin, pour conserver cette ville et conserver sa propre vie ; de là la détermination de Péré et de Villatte en sa faveur.

Mais, aux yeux de Laveaux déjà prévenu contre les mulâtres, de même que Sonthonax, c’était un tort irrémissible : le mulâtre devait céder au blanc, et si Knappe céda à Candy, c’est par la terreur qu’inspiraient les mulâtres ! Ne voit-on pas poindre déjà le soleil du 30 ventôse qui éclaira si tristement la ville du Cap ? Candy avait été cruel envers les blancs dans l’insurrection de 1791, cela est vrai ; mais la plupart des noirs déjà ralliés à la cause