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de la France, ceux qui s’y sont ralliés ensuite, ne furent-ils pas également cruels dans leur exaspération commune contre les colons acharnés à les détruire ? Si Candy suivit trop aveuglément l’exemple de Jeannot, celui-ci ne donnait-il pas constamment pour motif à ses cruautés, l’atroce assassinat d’Ogé, de Chavanne et de leurs compagnons qu’il prétendait venger ? Si ce noir inhumain fut si exaspéré du supplice de la roue subi par ces infortunés, il n’est pas étonnant que Candy, mulâtre libre, traqué comme ceux de sa classe, devint aussi cruel. Mais, n’avait-il pas racheté ses crimes (politiquement parlant et non moralement) par sa soumission aux ordres des commissaires civils qui vinrent faire exécuter la loi du 4 avril ? La politique ne fit-elle pas oublier tous les crimes des noirs qui se sont soumis à Laveaux, et qu’il a portés aux nues ?

Quoi qu’il en soit, voici comment arriva la reddition du Fort-Dauphin, que Garran lui-même n’a pu relater que d’après de fausses données de Laveaux et de plusieurs autres blancs qui l’induisirent en erreur. Nous empruntons notre narration aux œuvres inédites de C. Ardouin, dont nous avons déjà cité un fragment à propos de l’insurrection des noirs dans le Nord ; lui-même l’a écrite sur des renseignemens positifs qui lui ont été donnés à Santo-Domingo, par José Joaquim Delmonte[1], un des hommes les plus éclairés de cette ville, parfaitement instruit de la vérité historique de ce fait :

« Un nommé Juan Delmonte (qui n’était pas de la même famille) alguasil-mayor de Monte-Christ, faisait autrefois un commerce clandestin (la contrebande) avec

  1. Celui qui fut sénateur de la République d’Haïti.