Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/421

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ce pas dépendra le jugement que l’on devra se former de cet homme remarquable, de son influence sur les destinées de son pays, de son administration civile, de son gouvernement politique, de son régime militaire. On ne doit pas négliger davantage ce qui tient à sa personnalité, qui fait exception, pour ainsi dire, à celle de tous ses contemporains, dans les trois nuances d’épiderme qui distinguait les individus de son époque.

Toutes ces considérations posées, nous nous demandons : Pourquoi Toussaint Louverture se décida-t-il à abandonner la cause de l’Espagne pour embrasser celle de la France, après avoir personnellement tant contribué aux défections, aux trahisons qui firent passer des communes entières sous le pavillon espagnol ? Quelles furent les causes secrètes de cette détermination, quels furent ses motifs particuliers ?

Serait-ce uniquement, comme le fait entendre Laveaux, parce qu’il ne combattait la France que pour la liberté des noirs, et qu’on lui avait dit qu’un roi seul pouvait donner cette liberté générale, mais qu’il céda aux démonstrations du gouverneur en faveur de la République française ? Cette naïveté a pu échapper sous la plume de Laveaux, par les assurances que lui en donna Toussaint Louverture ; mais pour nous, qui recherchons la vérité dans notre histoire nationale, nous ne nous y arrêtons pas. N’avons-nous pas cité, dans le huitième chapitre de ce livre, une lettre du 25 juin, signée de Toussaint, en premier, de Biassou, etc., qui repoussait les propositions des commissaires civils, alors au Cap ? Cette lettre ne disait-elle pas qu’ils combattaient pour soutenir les droits du roi, pour la défense des Bourbons auxquels ils avaient promis une inviolable fidélité jusqu’à la mort ? Y