Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passé, ainsi que M. le commandant général, don Juan Lleonard, qui a connaissance des dénonciations que Biassou lui a faites contre moi ; et il est étonnant que j’aie pu autant en endurer depuis aussi longtemps ; mais j’ai tout souffert et souffre pour la cause de Dieu et des Rois, et que je soutiendrai jusqu’à la dernière goutte de mon sang


Ce document prouve, d’une manière péremptoire, qu’au 20 mars 1794, une profonde mésintelligence avait éclaté entre Biassou et Toussaint Louverture, et que ce dernier en redoutait les suites par rapport à la violence de son antagoniste. D’une prudence consommée, d’un caractère méfiant, Toussaint devait alors réfléchir au sort qu’il éprouverait tôt ou tard ; aussi insiste-t-il auprès de Don J. Garcia, pour ne pas être considéré comme placé sous les ordres de Biassou. Il établit encore qu’il ne doit pas être le subordonné de Jean François, qu’il ne redoute pas moins que Biassou.

S’il apprécie, en homme intelligent, que le moment n’est pas encore propice pour faire rentrer dans l’esclavage, sur les habitations de leurs maîtres, les nègres qui ne font point partie de ceux placés sous la protection spéciale du roi d’Espagne, dans la prévision que leur mécontentement entraînerait ces derniers, par crainte de subir le même sort (et ceci est très-curieux à savoir de sa part), du moins il s’honore en protestant contre le trafic odieux et infâme des noirs dans la partie espagnole, que faisaient Biassou et Jean François. Un jour viendra où nous examinerons comment il a mis à exécution, le plan, dès lors tracé, de faire rentrer les nègres sur les habitations de leurs anciens maîtres, et nous dirons alors comment il a réclamé encore contre le trafic de ces malheureux, qui se perpétuait dans la partie espagnole. En attendant, nous le voyons ici fort