Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/428

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attaché à la cause des Rois ; y joindre, en très-bon capucin, celle de Dieu ; peu soucieux de la cause de la République française, dont les agens, à peu de distance de lui, assuraient la liberté générale des noirs ; et si la conquête du Cap n’a pas eu lieu, ce n’est pas de sa faute.

Le préambule de ce document contient un aveu précieux de Toussaint Louverture : c’est que les nègres avaient pris les armes pour soutenir la cause de Dieu et des Rois. Il confirme ce qu’on a dit de lui.

Passons maintenant à sa seconde lettre du 27 mars : elle fut écrite de la Marmelade.

Monseigneur,

J’ai reçu avec la plus grande soumission et respect, la lettre que vous avez daigné m’écrire, en date du 20 courant ; et en réponse, j’aurai l’honneur de vous exposer que je suis vraiment au désespoir des différends qui sont survenus entre le général Biassou et moi ; et malgré que je sois l’outragé à tous égards, il n’a pas dépendu de moi que nous ne soyons réconciliés, puisque, pour cet effet, j’ai resté quatorze jours à Saint-Raphaël à l’attendre, par ordre de M. le commandant général, et lui, au contraire, s’est refusé obstinément à se rendre à ses ordres, se servant pour prétexte, qu’étant son subalterne, je devais être châtié suivant la rigueur des lois, pour avoir manqué à la subordination, et tout comme si je me fusse rendu criminel de lèse-majesté ou de toute autre trahison.

Le général Biassou, instigué et poussé à bout par son perfide secrétaire, homme dangereux et ne cherchant qu’à mettre la zizanie parmi nous, comme je donnerai de bonnes preuves, ayant par devers moi des pièces authentiques pour le soutien de ce que j’avance, est la cause de toutes nos divisions : oui, c’est lui qui est l’auteur de tout, en faisant entendre au général Biassou que je veux le supplanter (à Dieu ne plaise que j’aie de pareilles intentions !) ; et le général Biassou, homme faible, fragile et sans beaucoup de connaissances, se laissant entraîner à l’impulsion des scélérats qui l’entourent, m’a juré une haine immortelle, et depuis quelque temps, il n’aspire qu’à ma perte, se servant de tous les moyens pour parvenir à son but. Mais Dieu qui