Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu, parce que l’on s’est laissé surprendre par les troupes débarquées, dont on aurait pu peut-être empêcher le débarquement. Ce n’est pas que le fort Bizoton n’eût été pris malgré sa résistance ; car il était impossible qu’une garnison de onze cents hommes disséminés dans les environs du Port-au-Prince, pût se défendre contre une armée de plus de trois mille hommes. Cependant, je persiste à croire que ce poste na pas été défendu, qu’il a été mal soigné par le commandant.[1] » Briand Edwards s’accorde avec lui pour dire que les Anglais tirèrent avantage d’un déluge de pluie, vers huit heures du soir.

Malgré toute la passion, tout le ressentiment de Sonthonax contre Montbrun, on voit sortir la vérité de sa bouche. Il convient que le fort Bizoton a été surpris par derrière, pendant l’orage : est-ce à dire qu’un poste ne peut jamais être surpris ? Si de tels accidens ne survenaient pas à la guerre, il n’y aurait jamais des vainqueurs et des vaincus. Après avoir dit la vérité, Sonthonax semble s’en repentir ; il ajoute de suite, par réflexion, que le poste n’a pas été défendu, qu’on n’a pas répondu à la canonnade, qu’on s’est laissé surprendre ; il va même jusqu’à dire qu’on aurait pu empêcher le débarquement des Anglais au Lamentin, mais avec un peut-être qui atténue considérablement cette accusation contre Montbrun. Or, celui-ci n’avait que peu de troupes avec lui, et la pointe du Lamentin est située à plus d’une lieue de Bizoton. Tout à coup, il le justifie encore en disant que le fort eût été pris malgré sa résistance, que l’armée des Anglais et des colons réunis était trop forte ; mais c’est pour ajouter une troisième fois que le fort n’a pas

  1. Débats, t. 8, p. 332 et 333.