Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/160

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de la métropole, si toutefois on peut appeler capacité, ce qui tendait évidemment à lui faire perdre Saint-Domingue, dans un avenir plus ou moins éloigné.


Après ce jugement porté sur Laveaux, il est curieux d’entendre son propre jugement sur les hommes de couleur en général, à l’occasion de l’affaire du 30 ventôse. Nous l’extrayons encore de son compte-rendu qui nous a fourni tant d’observations. Il avait débuté dans ce pamphlet par établir, comme un fait positif, que Vincent Ogé avait soulevé les esclaves  ; il concluait : « Que ce sont les mulâtres qui sont les premiers auteurs de la révolte des esclaves et qui les ont armés pour leur aider à conquérir leurs droits, avant l’arrivée de Polvérel et Sonthonax, » — partant, que les mulâtres furent la cause des dévastations commises par les noirs dans le Nord et dans toutes les autres localités de la colonie. Arrivé à l’affaire du 30 ventôse, il dit :

« Mais, s’il est évident que des hommes de couleur seuls ont ourdi et exécuté le complot de notre arrestation, beaucoup de lecteurs ne verront pas aussi clairement les motifs qui les ont portés à ces excès. Il est douloureux sans doute d’avoir à les éclairer sur une vérité aussi affligeante qu’incontestable. Les hommes de couleur sont tourmentés d’une haine insurmontable contre les blancs. Cette haine est d’autant plus active qu’elle a pour principe un orgueil qu’ils n’osent pas avouer. Ils voient avec dépit la nécessité dont leur seront toujours les blancs, attendu l’impéritie et l’incapacité qu’ils ne justifient que par une ambition sans bornes. À les entendre, ils devraient seuls posséder le pays et lui donner des lois ; mais il est à présumer que la France n’a pas fait tant de sacrifices à la