Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre de la conduite de Rigaud, le Directoire exécutif le releva-t-il de sa mise hors la loi ? Hédouville avait donc la mission éventuelle de diviser Rigaud et T. Louverture : nous ne pouvons conclure autrement.

Il est certain que cet agent mit une grande différence d’égards dans l’accueil qu’il leur fit. Nous en trouvons le témoignage dans le rapport de Kerverseau et dans les mémoires de Pamphile de Lacroix.

Le premier dit : « L’accueil flatteur que Rigaud avait reçu d’Hédouville, avait allumé la jalousie de T. Louverture contre Rigaud… »

Le second rapporte les circonstances de cette entrevue en ces termes :

« Le général Hédouville dut facilement reconnaître, dans l’entrevue qu’il eut avec ces deux chefs de couleur, combien leur défiance commune et individuelle rendait sa mission difficile. T. Louverture, mécontent du meilleur accueil accordé au général Rigaud, affecta aussitôt de se plaindre du poids de son commandement. Le chef de division Fabre[1], commandant l’escadre légère, voulut lui faire un compliment, et lui dit — combien il serait flatté, après avoir amené le général Hédouville, de ramener le général T. Louverture, dont les services trouveraient en France les douceurs et les honneurs du repos qu’ils avaient si bien mérités. T. Louverture, qui ne disait que ce qu’il voulait dire, s’empressa de lui répondre : — Votre bâtiment n’est pas assez grand pour un homme comme moi ; — voulant faire comprendre qu’il était piqué, et qu’il se sentait au-dessus du général Hédouville. Dans une autre circonstance, quelqu’un de la suite de ce général s’étant

  1. Ce chef de division se nommait Faure, et non pas Fabre.