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ture, les envoyés partirent de Jacmel sur une goëlette, le 9 juillet, et débarquèrent en parlementaires aux Cayes, le 14. Rigaud était alors à la tête de ses troupes, hors des Cayes. Informé de l’arrivée des envoyés par Augustin Rigaud, commandant de la place, il s’y rendit armé de pied en cap : un trabouc sur l’épaule, des pistolets à la ceinture, un sabre à un côté et un poignard de l’autre[1].

Descendu dans la maison qu’occupaient les envoyés, Rigaud, excessivement agité, le devint bien plus encore en prenant connaissance des pièces dont ils étaient porteurs : il s’indigna de se voir condamné par le gouvernement de la France, pour une guerre qu’il avait cru faire en partie dans l’intérêt de la métropole ; de recevoir les ordres du général en chef qui avait évidemment trahi cet intérêt, croyait-il, par son alliance avec les Anglais et les Américains, par sa protection accordée aux émigrés. Il tira son poignard comme pour s’en frapper et terminer une existence toujours consacrée aux droits de la mère-patrie. Voilà les motifs de cette exaspération, qui ne pourrait avoir d’excuse que dans son caractère porté trop souvent à la colère : au contraire, il aurait dû se respecter assez, pour se montrer calme.

Mais, Pamphile de Lacroix, qui s’est plu à ne pas être toujours exact, à être souvent injuste, attribue l’irritation de Rigaud à ce qu’il se voyait condamné à obéir à un noir. Selon lui, « le sauf-conduit était une bien faible garantie pour braver les dangers qu’allait présenter la licence en

  1. Vie de Toussaint Louverture, p. 295. En 1843, on a vu arriver ainsi armés, des hommes du Sud au Port-au-Prince, où il n’y avait pas à combattre. Cette reproduction d’un autre temps, prouve encore l’influence des traditions et de l’exemple sur les populations. Nous croyons qu’il en était de même des officiers du Nord, à cette époque de 1800.