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pour obtenir des défections dans le parti qu’il dirigea. Il fut encore éloigné de sa terre natale, dès que ce besoin eut cessé, pour n’y retourner que huit ans après, et se jeter de nouveau dans une crise civile, malheureusement pour sa gloire, acquise par des services incontestablement favorables à la Liberté. C’est alors que nous porterons notre dernier jugement sur son caractère.

Quelle est la cause de tous ces revers de la fortune ? Faut-il n’y voir que son ambition, son orgueil ? À l’égard de l’ambition, nous ne sommes guère porté à en faire un sujet de reproches aux hommes ; car, nous l’avons déjà dit à propos de Vincent Ogé : sans ambition, on ne fait rien d’utile, rien de grand. Quant à l’orgueil dont on l’a accusé, en disant qu’il lui répugnait d’obéir à un noir, nous trouvons ce reproche excessivement injuste ; nous pensons encore qu’il n’est pas juste de lui imputer « de la répugnance à reconnaître la suprématie d’un citoyen qui combattait dans les rangs espagnols pour le rétablissèment de l’esclavage, pendant qu’il revendiquait les droits de l’homme. » Et ce n’est pas « pour ce motif que nous voyons presque tous les anciens libres, nègres et mulâtres, connus avant la révolution sous la dénomination de gens de couleur, se rallier au parti de Rigaud[1]. »

Non, il y eut autre chose, d’autres motifs plus louables de la part de Rigaud et de son parti. Qu’il eût de l’orgueil, de la vanité, de la présomption, nous ne l’en défendons pas : ces sentimens peu louables en eux-mêmes, étaient le résultat des services rendus. Mais Rigaud avait prouvé de bons sentimens envers son heureux rival, peu après l’élévation de celui-ci au grade divisionnaire ;

  1. Histoire d’Haïti par M. Madiou, t. 2, p. 61.