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sort que ceux de Léogane, — au Port-au-Prince, à Saint-Marc, au Pont-de-l’Ester, aux Gonaïves. Tous ces massacres furent commis par les ordres du général en chef.

Au Port-au-Prince, les chefs de bataillon Gérin et Bazelais furent sauvés par ordre personnel de Dessalines, pour avoir montré un courage qui défiait leurs bourreaux. Et cependant, ce fut Gérin qui se mit à la tête de l’insurrection qui abattit Dessalines au Pont-Rouge !… Quand nous arriverons à cette époque, nous examinerons ses motifs pour apprécier sa conduite.

Le mulâtre Rateau, frère des Louise Rateau chez qui les hommes de couleur s’étaient réunis le 21 août 1791, baïonnette parmi d’autres, avait survécu à dix-sept coups de cette arme meurtrière. Dans la nuit, il reprit ses sens et se traîna sanglant chez une femme noire, du voisinage du lieu de ces assassinats. Elle le recueillit et lui prodigua tous les soins qui étaient en son pouvoir ; Dirigée par ce sentiment que les femmes seules éprouvent, elle hasarda une démarche auprès de T. Louverture de qui elle implora la grâce du blessé. « Lui faire grâce, s’écria-t-il, et pourquoi ? Qu’a-t-il fait ? — Il se meurt, il est percé de coups. — A-t-on arrêté ses assassins[1] ? » Et T. Louverture fît porter ce malheureux en sa présence : en le voyant, il s’apitoya sur son sort et lui fît donner des soins par des médecins qui réussirent à le sauver. Personne ne fut dupe de cette feinte pitié : elle était calculée pour rejeter sur les officiers secondaires l’odieux de ces massacres.

À Saint-Marc, où se trouvait le plus grand nombre des prisonniers, le jour où Dessalines, par ordre de T. Lou-

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 66. Rateau devint membre de la première législature de la chambre des représentons, en 1817 : il était parent de Bauvais.