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dirent à la municipalité où ils furent arrêtés et tous baïonnettes : leurs cadavres furent jetés dans l’Artibonite.

C’était, de leur part, une folle entreprise ; mais aussi une noble protestation contre les crimes de T. Louverture et de son lieutenant, aveuglément soumis à ses ordres et cruel lui-même. L’histoire enregistre un tel fait avec bonheur ; car il est la preuve la plus évidente des sympathies réelles des noirs pour les mulâtres, assassinés froidement. Si elles n’existaient pas dans leurs cœurs, pourquoi des hommes de l’Artibonite se seraient-ils intéressés à ce point, en faveur de ceux du Sud qu’on immolait injustement, sans nécessité, et au mépris de promesses solennelles ?

Comme si la nature voulait s’associer au mécontentement général et à celui de ces noirs de l’Artibonite en particulier, une pluie abondante et continue dura du 11 au 20 octobre, et grossit extraordinairement les eaux de cette rivière devenue alors un fleuve, produisant les mêmes effets que dans les débordemens du Nil. La plaine fut entièrement submergée pendant plusieurs semaines ; toutes les digues, toutes les jetées formées dans l’ancien régime pour contenir les eaux de l’Artibonite soumise à des débordemens assez fréquents, furent rompues : nombre de cultivateurs périrent ; avec eux les animaux de toutes espèces, les usines des sucreries disparurent sous l’effort des eaux. La prospérité des cultures, le travail furent suspendus. Ce déluge s’était produit dans plusieurs autres quartiers et y avait occasionné aussi des dégâts, mais moins grands que dans la plaine de l’Artibonite. T. Louverture fit un règlement à cette occasion, en date du 5 novembre ; quelques secours furent accordés à ceux qui en avaient souffert.

Le 30 août, étant encore à Léogane, il avait fait un ar-