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contre les masses jadis esclaves : le règlement n’est rien autre chose qu’une réaction habilement cachée sous l’apparence de la liberté ; il en emprunte le mot comme un prétexte, tandis que les pénalités corporelles, l’emprisonnement, l’incorporation dans les régimens, constituaient la perte de la liberté pour le malheureux cultivateur et sa femme, contraints à travailler au profit de leurs anciens maîtres et des chefs militaires.

Ces mesures n’étaient-elles pas la restauration complète de l’ancien régime colonial, et non à peu près, comme le dit M. Madiou ? Et pouvaient-elles inspirer du dévouement à T. Louverture de la part des cultivateurs ? La terreur les obligeait à obéir passivement : ils ne pouvaient faire autrement[1].

Le 17 octobre, trois jours après l’ordonnance, parut une proclamation relative encore à la culture, pour expliquer le règlement du 12 : la gendarmerie était requise d’en assurer l’exécution sous l’autorité des commandans militaires.

Enfin, pour compléter son système de fer [2], (ici, nous sommes d’accord avec M. Madiou), le 23 octobre, T. Louverture fit un arrêté qui créait, dans chaque département, un conseil de guerre pour juger le vol, l’assassinat, le pillage et le viol. Les délits militaires étaient aussi de la compétence de ces conseils. Des conseils de révision furent institués en même temps, pour réformer leurs ju-

  1. « Mais, comme on s’est toujours servi des mots pour abuser des choses, les cultivateurs, à l’aide de celui d’intérêt public, avaient été contraints de recommencer leurs travaux pénibles, n’avaient pas obtenu en résultat leur part au profit, et avaient été remis par les chefs noirs intéressés, sous un régime plus dur que la verge de leurs anciens maîtres.  » Pamphile de Lacroix, t. 1er. p. 397. Les colons étaient aussi intéressés que ces chefs à ce régime.
  2. Histoire d’Haïti, t. 2, p 74.