Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient unis de cœur et d’intention avec les mulâtres, pour désapprouver ses tendances à favoriser les colons, les émigrés et les Anglais, et que beaucoup de noirs parmi les nouveaux libres étaient eux-mêmes mécontens de sa conduite, que ceux de l’Ouest et du Sud étaient dévoués à Bauvais et à Rigaud. Moïse lui-même, son propre neveu, et plusieurs autres officiers noirs dans le Nord, tels que le général Pierre Michel, Barthélemi, Noël Léveillé, etc., partageaient la crainte qu’il se laissât trop influencer par les blancs.

Dans cette conviction, après son audacieuse apostrophe contre les mulâtres particulièrement, il sentit plus que jamais la nécessité de ménager l’amour-propre de Bauvais, pour l’empêcher de se jeter du côté de Rigaud. Il répondit donc à Bauvais, avec sa dissimulation accoutumée, que dans son discours en chaire, il n’avait pas eu l’intention d’accuser tous les hommes de couleur ; qu’il connaissait le mérite de ce général dont il avait toujours su apprécier le noble caractère. Il l’invita à rester à son poste.

Roume, qui entrait entièrement dans ses vues parce qu’elles étaient favorables aux projets du Directoire exécutif, engagea aussi Bauvais à ne pas insister sur sa demande de démission. Il n’avait pas voulu accepter celle de Rigaud ; il devait d’autant plus refuser d’accéder à celle de Bauvais. Il servait son pays.

Qu’on ne vienne pas nous dire que cet agent, faible de caractère il est vrai, ne savait pas se conduire comme il convenait pour remplir sa mission : il obéissait à ses instructions. Comment ! il avait été contraire à Rigaud, depuis l’affaire de la délégation ; il l’avait dénoncé au Directoire exécutif comme l’auteur secret de l’assassinat de tous les blancs qui périrent aux Cayes en cette circon-