Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/408

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dans le pays, pour se porter sur des denrées exigeant moins de labeur de la part du cultivateur. Ainsi, presque plus de sucre blanc, 16 mille livres de sucre terré, inférieur en qualité, au lieu de 70 millions de cette qualité supérieure ; 804 livres d’indigo au lieu d’un million ; peu de coton, beaucoup plus de cacao, de campêche, de sirop, qu’anciennement. Et pour avoir obtenu 18 millions et demi de sucre brut, il a fallu la contrainte contre les cultivateurs, la verge du gendarme, le bâton de l’inspecteur de culture, les sévérités de toutes sortes des chefs militaires. Le café seul, qui exige moins de soins et de peines, a donné alors un produit relativement moins inférieur en chiffre, que dans le temps de la plus grande prospérité de la colonie française. C’est cette denrée qui, de nos jours, est mieux exploitée que toutes autres, et qui est devenue la base de la production agricole d’Haïti : elle s’est soutenue, à l’aide de la petite propriété vers laquelle les cultivateurs montraient une tendance marquée, quand ils s’associaient pour acheter des terrains et qu’ils en furent empêchés par l’arrêté du 7 février 1801.

Toutes ces données économiques sont extrêmement intéressantes pour comprendre, non-seulement la situation actuelle d’Haïti, mais celle où se trouve déjà la Jamaïque, par suite de l’émancipation des noirs dans les colonies anglaises. Le vœu naturel à tout homme qui travaille de ses bras, est de s’acquérir une propriété, un morceau de cette terre qu’il féconde de sa sueur : de là le travail isolé qui ne permet plus les grandes exploitations, comme dans l’ancien régime colonial ; de là aussi les monstrueuses accusations contre les noirs auxquels on impute une paresse instinctive, parce qu’on s’est longtemps habitué à considérer les Antilles comme des champs qui devaient