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sa part ne méritait pas la mort qu’il subit : aucune loi de ce temps n’appliquait une telle peine contre la négligence dans ses fonctions ; elle a donc été arbitraire ; elle est imputable à la volonté personnelle du gouverneur, et il commit un crime en l’ordonnant : crime politique d’autant plus odieux, qu’il avait pour but d’asseoir le système du gouvernement de T. Louverture sur les cadavres des hommes.

Si Moïse fut d’abord absous, acquitté par un premier conseil de guerre, et que le gouverneur dicta son arrêt de mort à un nouveau conseil, le gouverneur fut encore coupable ; car aucun chef de gouvernement n’a le droit de dicter le moindre arrêt à un tribunal compétent ; aucun ne doit se placer entre l’accusé et la conscience des juges.

Si ce général, d’abord acquitté, fut jugé de nouveau et condamné à mort par un second conseil présidé par le gouverneur, celui-ci ne paraît plus aux yeux de la postérité que comme un tyran digne de son exécration : aucun chef de gouvernement ne peut, ne doit présider un tribunal qui juge un homme accusé par lui.

Enfin, si T. Louverture accusa Moïse devant une première commission militaire, sans le faire comparaître devant elle pour être entendu dans sa défense, il aura violé toutes les règles de la justice à son égard. Cette commission ayant seulement fait une déclaration de culpabilité contre l’accusé, d’après les pièces à charge, aura voulu sans doute laisser au gouverneur la faculté d’exercer son omnipotence par une punition moindre que la mort ; elle aura trouvé que les faits à lui imputés ne méritaient pas cette peine, et elle voulait réserver au gouverneur une occasion d’être juste : un tel jugement ne nous étonnerait pas