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çaise qui allait bientôt arriver. On semble voir dans cette déclaration la main de Dieu qui le pousse dans l’abîme qu’il s’est creusé lui-même.

Aussi, la brochure imprimée à Paris en 1802, d’où nous avons extrait cette proclamation, dit-elle :

« La proclamation de T. Louverture est écrite avec sagesse. Cependant le règlement de police intérieure qui la suit, digne en tout de figurer à côté des règlemens de sûreté de l’infâme Robespierre, excita, par l’arbitraire qui y régnait, un mécontentement général. Il était facile de voir que l’inquiétude l’avait dicté. T. Louverture était devenu un tyran cruel dont l’ambition démesurée lui faisait voir des assemblées de conspirateurs là où il n’y avait que des réunions d’amis. Son despotisme pesait sur toutes les familles : sa sévérité préparait sa chute.  »

Tel est toujours le sort du despotisme sanguinaire. Après la mort de Moïse, quel officier supérieur pouvait désormais avoir confiance dans le gouverneur de Saint-Domingue, lorsqu’ils se voyaient tous menacés par ce chef barbare ? D’après cette proclamation, il suffirait que l’un d’eux fût accusé d’avoir toléré un paresseux ou un vagabond, pour que le gouverneur le considérât comme ayant de mauvais desseins, comme étant un ennemi secret de son pouvoir. Joignez à cette incertitude de sa vie, la nullité des conseils de guerre, l’absence de toute garantie d’un jugement équitable de leur part, et vous direz encore que cette proclamation fut le coup de grâce que T. Louverture porta lui-même à son autorité. Il perdit dès-lors toute influence sur l’opinion qui fait la force réelle des gouvernemens. On restait soumis par crainte de perdre la vie ; mais il ne pouvait plus exister de dévouement pour un chef, qui n’avait pas reculé devant l’immolation de son neveu, toujours si