Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/482

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Dieu. Si je dois mourir, je mourrai en brave soldat, en homme d’honneur : je ne crains personne. »

Ces paroles faisaient allusion à la position de la colonie vis-à-vis de la France. Mais ni elles, ni la proclamation, ne disaient qu’il fallait résister à l’armée expéditionnaire : au contraire, la proclamation était explicite à l’égard de la soumission qu’il fallait faire à cette armée, malgré sa finale qu’on a considérée comme une sorte d’appel à l’armée coloniale. On voit donc en T. Louverture un homme, un inférieur parfaitement résigné à subir le sort qu’il plairait au gouvernement consulaire de lui infliger. L’entretien même que lui prête encore Pamphile de Lacroix avec un créole (colon) du Port-au-Prince, qui lui demanda un passeport pour se rendre en France, appuie nos appréciations. Ce colon lui disait, pour motiver sa demande de passeport :

« Je vous vois à la veille d’être le chef irrité des noirs, et depuis quelques jours vous n’êtes plus le protecteur des blancs, puisque vous venez d’en faire déporter plusieurs pour s’être réjouis de la prochaine arrivée des Européens à Saint-Domingue. »

À cela, que répondit T. Louverture

« Oui, ils ont eu l’imprudence et la sottise de se réjouir de cette prochaine arrivée, comme si cette expédition n’était pas destinée à me perdre, à perdre les blancs, à perdre la colonie. On me représente en France comme une puissance indépendante, et on y arme contre moi !… Contre moi qui ai refusé au général Maitland de me constituer en indépendance sous la protection de l’Angleterre, et qui ai toujours rejeté les propositions que Sonthonax n’a cessé de me faire à ce sujet[1] !

  1. Quelle preuve plus grande peut-on donner que T. Louverture ne conçut jamais l’idée de l’indépendance absolue de Saint-Domingue, que ces paroles,