Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’égalité, n’ambitionne d’être heureux que par elles, et par l’assurance de n’avoir plus à redouter les chaînes qu’il a brisées. L’exhibition de ces lois à ses yeux arrêtera l’effusion du sang français versé par des Français, rendra à la République des enfans qui peuvent la servir encore, et fera succéder aux horreurs de la guerre civile la tranquillité, la paix et la prospérité au sein de cette malheureuse colonie. Ce but est digne sans doute de la grandeur de la mère-patrie ; et l’atteindre, citoyen général, ce serait vous couvrir de gloire et mériter les bénédictions d’un peuple qui se complairait à oublier les maux que lui a déjà fait éprouver le retard de leur promulgation.

Songez que ce serait perpétuer ces maux jusqu’à la destruction entière de ce peuple, que de lui refuser la participation de ces lois nécessaires au salut de ces contrées. Au nom de mon pays, au nom de la mère-patrie, je les réclame, ces lois salutaires, et Saint-Domingue est sauvé.

J’ai l’honneur de vous saluer,

Christophe[1].

Cette lettre pleine de raison, d’honorables sentimens et de dignité, occasionna une réponse de Leclerc, du 24 avril, où il disait à Christophe « de ne pas douter des vues bienveillantes du gouvernement français à l’égard des habitans de Saint-Domingue ; que ce gouvernement travaillait, en ce moment, à un code qui assurerait pour toujours la liberté aux noirs. Il l’exhorta à se fier à sa parole, s’il ne voulait pas être considéré comme l’ennemi du nom français, et à se rendre à une entrevue qu’il lui offrait au Haut-du-Cap. Il lui donnait sa parole

  1. Cette lettre et toutes les autres furent écrites encore par Braquehais. Si elles font honneur à H. Christophe, elles ne font pas moins honneur à ce mulâtre, qui consacra sa plume à plaider éloquemment la cause des noirs, jadis esclaves. Il en découle cette vérité incontestable : — que l’union du noir et du mulâtre peut seule garantir à l’un et à l’autre une existence honorable dans le monde.

    La Liberté réconcilia ainsi le Sud avec le Nord, tandis que le Despotisme les avait armés l’un contre l’autre. Le secrétaire représentait le Sud, — le général personnifiait le Nord.