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— par 211 contre 65 au corps législatif. Honneur à ceux qui refusèrent leur concours à cette mesure inique !

Aucun des votans dans le sens de son adoption ne douta, probablement, du succès de la mesure à Saint-Domingue comme dans les autres colonies françaises : les forces de l’expédition étaient si considérables, il était si facile d’en envoyer de nouvelles, et par-dessus tout, le génie du Premier Consul inspirait tant de confiance !….

Dans le même temps, les noirs de la Guadeloupe, ayant à leur tête les mulâtres Pélage et Delgresse, résistaient au contre-amiral Lacrosse et au général Richepanse. Lacrosse allait vite en besogne. Sur la demande de secours que lui fit Richepanse, le capitaine-général Leclerc eut la pensée, fort raisonnable, d’envoyer à la Guadeloupe le général Boudet qui y avait commandé et qui avait conquis l’estime des noirs et des hommes de couleur, comme il venait de le faire à Saint-Domingue : son influence contribua, à ce qu’il paraît, au succès qu’on désirait. Mais, en se réinstallant, Lacrosse profita des dispositions de la loi qui venait d’être décrétée : il rendit un arrêté qui rétablissait à la Guadeloupe l’ancien régime colonial, — pour museler les tigres, selon l’expression de Bignon. « Le gouvernement ne réforma pas cet arrêté, dit Thibaudeau, et prouva ainsi qu’en gardant dans la loi le silence sur la Guadeloupe et Saint-Domingue, il avait résolu d’y rétablir l’esclavage [1]. »

Si Leclerc prit une mesure dictée par la raison, en envoyant le général Boudet à la Guadeloupe, il fit aussi un tort considérable à l’influence française dans l’Ouest et le

  1. Le général Richepanse ne jouit pas longtemps de son triomphe : le 3 septembre, la fièvre jaune l’emporta.