Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/184

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Nous remarquons que P. de Lacroix ne cite aucune lettre de Leclerc à T. Louverture ; et c’est cependant, par suite de celle que lui apporta Isaac, que l’ex-gouverneur accepta la proposition de Brunet, d’aller sur l’habitation Georges. Le fait est, que P. de Lacroix a voulu, et pour cause, ôter toute apparence de perfidie de la part de son général en chef, dans l’arrestation du Premier des Noirs, pour n’en attribuer qu’à celui-ci.

Selon nous, l’un et l’autre général en étaient capables. Nous avons assez prouvé, ce nous semble, dans notre 5e livre, que la déportation de T. Louverture avait été prescrite à Leclerc par ses instructions ; et nul homme de bon sens ne peut admettre que ce capitaine-général voulait le laisser dans la colonie, après la résistance qu’il avait faite à l’armée française. Pour parvenir à l’exécution de cette mesure contre un homme aussi méfiant, il fallait nécessairement mettre de la perfidie dans les procédés usés envers lui. « La méfiance de Toussaint Louverture dit P. de Lacroix, rendait son arrestation difficile. Elle fut méditée et exécutée avec succès. » Par ces mots, il a qualifié lui-même les moyens qui ont été employés pour arriver à ce résultat.

Quant à T. Louverture, nous devons le reconnaître : il était trop coutumier du fait de perfidie pour qu’on admette, qu’en se soumettant à Leclerc, il ne se réservait pas de saisir la première occasion de reprendre les armes, si elle s’offrait à lui. Nous croyons qu’il n’avait effectivement fait qu’une suspension d’hostilités, en paraissant résigné et soumis. Au point de vue de cette ambition qu’il avait eue constamment de gouverner Saint-Domingue, ayant été le gouverneur général de cette colonie, il était impossible qu’il n’eût pas la velléité de le re-