Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/189

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Mais, en se voyant lier comme un criminel, il put, il dut en appeler à l’honneur de Brunet, qui lui avait tendu ce piège. Son récit ne dit pas de quels termes il se servit. Eh bien ! cet appel à l’honneur du général français, est à nos yeux, la protestation la plus digne qu’il pût faire dans cette circonstance.

Ce fut une infamie que d’avoir garotté, comme un vil criminel, ce Noir dont la Convention nationale avait fait un général français ; — que le Directoire exécutif avait confirmé au grade de général de division, au rang de général en chef ; — qui fut encore confirmé à ce dernier poste par le Premier Consul, et élevé par lui à la dignité de capitaine-général, bien que le brevet ne lui en fut pas envoyé. Quels que soient les torts qu’il eut, au point de vue de la souveraineté de la France, T. Louverture ne lui avait pas moins rendu des services éminens à Saint-Domingue.

Nous admettons que le principe de cette souveraineté, que la politique du gouvernement consulaire, exigeaient son arrestation et sa déportation de la colonie. Nous l’admettons d’autant plus, que nous considérons cet acte comme ayant été extrêmement utile à la complète liberté de la race noire. Mais on pouvait s’assurer de sa personne, sans employer à son égard les formes indignes qui ont été mises en pratique. Le général Brunet avait un nombreux détachement de troupes sur l’habitation Georges, située à une lieue des Gonaïves ; il en avait échelonné d’autres sur la route qui y conduit, au moyen des forces que les deux frégates avaient amenées dans ce port ; il pouvait y faire conduire son prisonnier avec d’autant plus de sûreté, que ce dernier n’avait qu’un seul officier auprès de lui, devenu également prisonnier.