Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/190

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À minuit du 7 au 8 juin, T. Louverture arriva aux Gonaïves où il fut de suite embarqué sur la frégate la Créole. César le fut sur la Guerrière, où vinrent le joindre Morisset et J. B. Dupuy, arrêtés le même soir aux Gonaïves. Le lendemain, Placide Louverture et Michel, qui avaient été arrêtés à la Coupe-à-Pintade, furent aussi amenés aux Gonaïves et embarqués sur cette frégate. Enfin, Madame Louverture, son fils Isaac, sa nièce (Mlle Chancy, devenue Madame Isaac) et Monpoint, arrêtés sur leurs habitations ou à Ennery, furent également conduits sous une forte escorte de troupes et placés à bord de la Guerrière, ainsi que Mars Plaisir.

T. Louverture se trouva sur la Créole avec les seuls vêtemens qu’il avait sur lui. Son fils raconte que le capitaine de cette frégate eut pour son illustre prisonnier les attentions les plus délicates. Nous regrettons qu’il n’ait pas fait connaître le nom de ce brave marin, pour le consigner dans ces pages, et le recommander à l’estime de la race noire.

L’ordre d’arrestation de Madame Louverture et de sa famille fut apporté par l’aide de camp Granseigne à Pesquidon. Ces officiers firent assaillir leur paisible demeure à coups de fusil, par quatre cents soldats ; ils pillèrent eux-mêmes ou laissèrent piller les effets de cette famille, irresponsable des faits imputés à l’ex-gouverneur de Saint-Domingue. On se sent entraîné à excuser en quelque sorte une soldatesque effrénée, dans certaines circonstances de la guerre, qui se livre au pillage des vaincus ; mais, qu’à l’occasion de l’arrestation d’une famille, de femmes inoffensives, des officiers supérieurs souffrent, un tel désordre ; que ces officiers eux-mêmes, des officiers français surtout, y prennent part, en souil-