Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/191

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lant ainsi les nobles épaulettes du commandement qu’il sont bravement gagnées sur le champ de bataille, c’est ce que l’historien, interprète de la postérité, doit flétrir avec énergie.

La Créole avait immédiatement fait voile pour le Cap. La Guerrière attendit, pour s’y rendre, qu’on apportât les effets de la famille de T. Louverture et ceux dont il avait besoin lui-même ; il les avait demandés par une lettre adressée à sa femme et remise à Ferrari ; mais, après quatre jours de vaine attente, cette frégate quitta le port des Gonaïves pour se rendre au Cap.

Dans cette ville se trouvait le jeune fils de T. Louverture, nommé Saint-Jean, âgé d’environ onze ans. Confié à M. Granville, son précepteur, cet enfant était avec sa dame du côté des Gonaïves, le jour où le général Leclerc y entra au mois de février. Emmené avec cette dame au capitaine-général par les troupes françaises, ils avaient été envoyés au Cap. Quand T. Louverture y fut faire sa soumission, Leclerc avait fait venir cet enfant auprès de son père, qui le laissa avec son précepteur. Dès qu’il apprit l’arrestation qu’il avait ordonné, Leclerc fit mettre Saint-Jean à bord du vaisseau le Héros, destiné à aller en France. Ce vaisseau louvoyait en vue du Cap et à quatre lieues au large, lorsque la Créole l’aborda pour y mettre son prisonnier. En montant sur le Héros, T. Louverture s’adressa au chef de division Savari qui le commandait et lui dit avec calme et fermeté : « En me renversant, on na abattu à Saint-Domingue que le tronc des l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines, parce qu’elles sont profondes et nombreuses.[1] »

  1. Pamphile de Lacroix, t. 2, p. 203.