Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/192

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L’auteur à qui nous empruntons cette particularité, qualifie ces paroles de mémorables. M. Thiers dans son Histoire du consulat et de l’empire, les qualifie de grandes. Elles sont grandes et mémorables, en effet ; elles portent l’empreinte du bon sens qui distinguait T. Louverture parmi tous ses contemporains ; elles sont une preuve de plus du génie qu’il montra dans la direction des affaires publiques de son pays ; elles sont, enfin, l’expression de la dignité qu’il mettait toujours dans l’exercice du pouvoir, et surtout une noble protestation contre sa déportation, contre le but coupable qui fit concevoir l’expédition commandée par le général Leclerc.

N’examinons pas, en ce moment, s’il ne contribua point à faire naître la pensée de cette entreprise, par les erreurs de ses vues politiques, par les rigueurs insensées de son administration despotique. Bientôt, nous porterons notre dernier jugement sur sa vie publique. Qu’il nous suffise de faire remarquer le grand sens de ces judicieuses paroles, qui lui furent sans doute inspirées par cette divine Providence qui n’a pu créer les hommes de la race noire, pour qu’ils fussent éternellement les esclaves de ceux de la race blanche.

Oui, T. Louverture avait raison de penser et de dire, que la liberté ne périrait point à Saint-Domingue ; car, s’il porta lui-même une main sacrilège sur cet arbre élevé sans sa participation[1], il savait, il devait savoir qu’en dépit des gouvernemens, sa sève était trop vigoureuse pour n’en pas produire les fruits tôt ou tard. Les racines qu’il enfonce dans le sol, c’est le peuple aux cent mille voix qui

  1. Au 29 août 1793, quand Sonthonax prononça la liberté générale des noirs, T. Louverture refusait de se soumettre à la République française et servait l’Espagne, qui maintenait leur esclavage.