Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/219

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fort de Joux, situé sur l’une des chaînes du Jura, dans une température glaciale qui devait abréger infailliblement les jours de ce vieillard. Même dans ce fort, il pouvait être traité à l’égal de Rigaud et de Martial Besse, qui ne furent pas mis dans des cachots.

Dispensé, par les actes mêmes du gouvernement consulaire, de se justifier’sur sa conduite politique antérieure à l’expédition française, — par les actes du capitaine-général, sur sa conduite militaire depuis l’apparition de cette expédition, T. Louverture, qui n’avait aucune illusion sur les vrais motifs de sa déportation et de son emprisonnement rigoureux, a cru devoir le faire tant en parlant au général Cafarelli que par le mémoire qu’il lui remit, adressé au Premier Consul.

Ce document contient en outre des passages, où la vigueur du raisonnement ne le cède en rien à la dignité des sentimens et à la fierté du personnage qui avait exercé un haut commandement dans son pays. Nous signalerons ceux qui suivent :

« Le général Leclerc a agi envers moi avec des moyens qu’on n’a jamais employés, même à l’égard des plus grands criminels. Sans doute, je dois ce traitement à ma couleur ; mais ma couleur… ma couleur ma-t-elle empêché de servir ma patrie avec zèle et fidélité ? La couleur de mon corps nuit-elle à mon honneur et à ma bravoure ?… J’ai été esclave, j’ose l’avouer ; mais je n’ai jamais essuyé même des reproches de la part de mes maîtres… Le général Leclerc doit être franc : avait-il craint d’avoir un rival ? Je le compare au sénat romain qui poursuivit Annibal jusqu’au fond de sa retraite[1]… »

  1. La même comparaison a été faite a Sainte Hélène, le 29 septembre 1816,