Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/224

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10 août 1792, je suis de même consécutivement au service de ma patrie. Aujourd’hui je suis renfermé sans ne pouvoir rien faire, couvert de chagrin ; ma santé est altérée. J’ai réclamé auprès de vous ma liberté pour pouvoir travailler, gagner ma vie et nourrir ma malheureuse famille. Je réclame votre grandeur, votre génie pour prononcer sur mon sort ; que votre cœur soit attendri et touché sur ma position et mes malheurs.
Je vous salue avec un profond respect,
Toussaint Louverture.

Ces lettres ne produisirent aucun effet. Lorsque la population noire était condamnée, dans la pensée du Premier Consul, à subir de nouveau les ignominies de l’esclavage, pouvait-il avoir aucun égard aux sollicitations douloureuses du Premier des Noirs ?

Il ne prévoyait pas alors qu’un jour arriverait où d’autres chefs d’État, non moins inflexibles dans leurs rigueurs, le condamneraient à une longue agonie sur un rocher brûlant, en face de cette Afrique dont les enfans infortunés étaient comptés parmi le bétail ; que ces chefs, eux aussi, auraient l’inhumanité de séparer un fils de son père ! Qui n’a pas été ému, au récit d’O’méara sur la joie qu’éprouva le prisonnier de Sainte-Hélène à la vue du buste de son enfant ? Si le marbre a occasionné de telles sensations dans son cœur paternel, la présence de cet enfant lui-même n’aurait-elle pas compensé la dure nécessité dictée par la politique ? Est-ce donc à dire qu’un noir ne doit pas souffrir autant qu’un blanc, de la violente séparation d’un enfant, d’une femme qu’il aime ?…

Nous nous garderons bien d’accueillir tous les bruits qui ont circulé relativement à la mort de T. Louverture au cachot de Joux ; mais il est positif que son emprisonnement prolongé dans ce lieu devait nécessairement in-