Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/230

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émigrés et ta France, n’avait abouti qu’à l’amener dans un cachot humide, à deux mille lieues de son pays qu’il avait rendu florissant, dans leur intérêt, il a pu se laisser aller à l’abattement, au dégoût de la vie : de là sa mort prématurée, car il eût pu vivre plus longtemps sous un autre ciel, dans une autre atmosphère[1].


À notre avis, Toussaint Louverture n’a pas été frappé seulement par la main des hommes ; il l’a été surtout par la main de cette Providence divine dont il avait si souvent méconnu les saintes lois.

En dotant l’homme de la raison, en lui laissant son libre arbitre pour se diriger dans sa conduite, elle lui a donné en même temps la conscience pour l’avertir qu’il ne doit pas se laisser maîtriser par les mauvaises passions de sa nature, tandis que cette nature en renferme de si belles, de si nobles : en faisant ainsi un usage raisonné de ses facultés, le mérite lui reste s’il suit les voies tracées par Dieu, ou il encourt sa punition en les abandonnant.

Tel a été le sort de Toussaint Louverture, dicté par la Providence elle-même. Elle a voulu qu’il expiât dans un cachot tous les torts qu’il avait eus, tous les crimes qu’il avait commis dans sa toute-puissance, pour l’offrir en exemple à ses contemporains, à la postérité. Dans sa sagesse infinie, elle se plaît quelquefois à permettre que l’orgueil humain se développe dans une grande situation qu’entourent toutes les joies, toutes les satisfactions,

  1. Le Premier des Noirs a été enferré au village de Saint Pierre, situé au pied du fort de Joux, comme le plus obscur prisonnier ! Nous connaissons, à Paris, un anatomiste qui nous a dit avoir fait de vaines recherches pour savoir le lieu de son inhumation.