Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/237

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idées, l’exemple tracé aux révolutionnaires de Saint-Domingue par ceux qui dirigèrent la révolution française dans la funeste et horrible période de la Terreur. Avec cet esprit d’imitation qu’il montra ensuite, en se modelant à certains égards sur la personne du Premier Consul, — tant les colons lui avaient persuadé qu’il était le Bonaparte de Saint-Domingue, — il est permis de croire qu’il s’était imaginé aussi, qu’il fallait adopter le système cruel des Terroristes, pour vaincre toutes les résistances et ramener l’ordre et la tranquillité dans la colonie. S’il a réuni ces idées à celles que lui fournissait son caractère naturellement absolu, il n’est pas étonnant qu’il ait abusé de son pouvoir.

Enfin, la guerre qu’il fit aux Français, par un sentiment d’orgueil et pour conserver surtout sa position, servit d’exemple aux hommes de sa race pour entreprendre celle qui les délivra de leur joug : en cela, il rendit un immense service à son pays. Même en devenant victime de la tâche qu’il avait entreprise de reconstituer l’ancien ordre colonial, il le servit ; car, s’il fut sacrifié par la France, l’injustice qu’elle commit envers lui, eu égard à ce qu’il avait accompli pour elle et ses colons, son agonie, sa triste fin, contribuèrent à éclairer ses frères sur la conduite qu’ils avaient à tenir. Désormais, ils savaient qu’ils ne pouvaient plus compter sur les sentimens de cette métropole, qu’une lutte à mort était ouverte contre eux, et que pour conserver leur liberté, il fallait de toute nécessité s’affranchir complètement de sa domination.

Respectons donc, par toutes ces considérations, le jugement de la Providence dans la chute de Toussaint Louverture. Mais, comme hommes sujets aux faiblesses et aux erreurs de notre nature, soyons généreux envers sa mé-