Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/282

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clavage le révolterait immanquablement. J’approuve tout ce qu’il me propose. Mais je sais lui faire faire ce que je veux, surtout quand il est avec moi. Si vous pouvez vous passer de lui huit jours, je le ferai venir près de moi ; je lui démontrerai la perfidie de Maurepas ; il en sera convaincu et me proposera lui-même de l’arrêter et de vous l’envoyer pour le faire juger. Alors il se lie lui-même plus fortement au but de notre campagne, et il devient de plus en plus la terreur des traîtres et un épouvantail plus efficace pour les cultivateurs. »

Il résulte de cette lettre que, si Dessalines parut à Brunet avoir beaucoup d’amour-propre, ce dernier prouve qu’il avait lui-même une extrême présomption, en pensant que Dessalines était sa dupe. C’est lui au contraire qui était celle de Dessalines ; car celui-ci alimentait l’insurrection du Gros-Morne et du voisinage, en envoyant parmi les insurgés des militaires de la 4e coloniale pour les diriger. Brunet prouve encore toute la perfidie de son caractère, par le projet qu’il avait conçu dès-lors de faire arrêter l’infortuné Maurepas, sans motif, puisqu’il l’aidait avec zèle et dévouement. Il prouve enfin la duplicité de Leclerc à l’égard de Dessalines, par les conseils qu’il donnait à Brunet, de n’avoir point confiance en lui.

Mais nous aimons toutefois à trouver dans cette lettre, le témoignage rendu à l’amour de Dessalines pour son pays et ses frères, quoique, à vrai dire, il considérait la liberté au point de vue des despotes. Nous aimerions à savoir aussi ce que pensa Brunet, quand Dessalines eut pris les armes contre les Français. Cet événement, qui fît connaître son caractère, dut dégriser Brunet de l’illusion où il était[1].

  1. Longtemps après les événemens accomplis, l’empereur Napoléon a vu