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faisaient naître pour sa personne. C’était moins au chef qu’on obéissait, qu’au frère qu’on avait à sa tête.

Aussi, voyez avec quelle magnanimité il agit à l’égard des canonniers européens et d’autres Français qui servaient dans les rangs de la 13e ! Après avoir harangué les noirs et les mulâtres, pour leur démontrer la justice de la cause qu’ils allaient défendre, en se ralliant aux premiers insurgés que la Liberté avait armés, il s’adressa à ces blancs : « Quant à vous, leur dit-il, cette cause n’est pas la vôtre. Après avoir reconnu et proclamé nos droits, les droits que nous tenons de Dieu, la France veut nous replacer dans l’esclavage et dans toutes les ignominies que comporte la servitude. Nous l’abjurons dès aujourd’hui : elle n’est plus notre patrie ! Le sort des armes en décidera. Dieu nous soutiendra dans notre entreprise, nous la plaçons sous sa suprême protection. Vous retournerez auprès du général Leclerc : c’est là qu’est votre drapeau.  »

On vit alors un trait de dévouement sublime aux droits de l’homme, de la part d’un Français qui était capitaine dans la 13e. Gabriel Véret, né à Beauvais, chef-lieu du département de l’Oise, (cette ville où la valeur d’une Héroïne honora toutes les femmes de son pays[1]), était venu à Saint-Domingue avec les troupes qui accompagnèrent Polvérel et Sonthonax. Véret avait servi dans le Sud où Polvérel proclama la liberté générale : il était parvenu au grade d’officier dans la 3e demi-brigade que commandait Dartiguenave, et dans ce corps il avait pris part à la guerre entre Rigaud et T. Louverture ; il se trou-

  1. Jeanne Hachette, qui contribua à la défense de Beauvais, en 1472 contre le duc de Bourgogne. Heureux pays, belliqueuse nation, qui compte même les femmes parmi ses guerriers !