Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait capitaine dans le bataillon de Bardet qui fît défection au fort Bizoton. Lorsque Pétion eut fait son allocution aux Français qu’il allait renvoyer au Cap, Véret lui dit : « Votre cause est celle de l’humanité ; je l’ai toujours défendue avec vous tous. Moi aussi, je suis un soldat de la Liberté, et j’abjure la France comme vous, puisqu’elle est devenue injuste envers vous. Recevez-moi dans vos rangs. »

Emu, transporté de joie, Pétion le prit dans ses bras, le pressa contre son cœur, aux grands applaudissemens de toute la 13e où Véret comptait un ami dans chaque officier, dans chaque soldat. Quelque temps après, Dessalines, général en chef des indigènes, le promut au grade de chef de bataillon dans la 16e demi-brigade, et ensuite adjudant-général[1].

Si Pétion ennoblit la cause des noirs et des mulâtres, par l’admission de Véret dans leurs rangs, par le respect qu’il montra pour le droit des gens, pour la cause contraire, en renvoyant les autres Français à Leclerc, — Dessalines ne prouva pas moins, par l’estime qu’il eut pour Véret, et malgré ses regrettables fureurs contre les blancs, qu’il n’entendait pas exclure à jamais de son pays les hommes de la race européenne : d’autres faits démontreront notre assertion.


Après avoir si noblement relevé le défi méprisant jeté à toute la race noire depuis six ans, Pétion fit enclouer les canons qui garnissaient les postes du Haut-du-Cap, en

  1. Véret devint général de brigade sous Boyer, et mourut aux Cayes le 13 mai 1833, toujours aimé et honoré de ses compagnons d’armes et de tous les citoyens. Borgella, alors commandant de cet arrondissement, lui fit faire de magnifiques funérailles.