Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/332

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judant-général, ancien colonel de la légion de l’Ouest ; cet officier aimait tous les hommes de couleur et les noirs, ayant servi avec eux : il apprit ainsi la triste position de Boyer. Il vint sur le vaisseau, le vit, lui apprit que sa détention n’avait eu lieu que par rapport à ses liaisons avec Pétion. Il le recommanda aux officiers du vaisseau et même à l’amiral, en lui promettant d’agir pour qu’il fût relaxé. Mais pendant une nuit, Boyer entendit appeler un nommé Pierrette qu’on fit monter sur le pont pour y joindre Maurepas : il fut excessivement agité par ce sinistre appel, puisque c’était habituellement le signal des noyades. Dans son inquiétude, il monta aussi sur le pont sans être appelé et se dirigea sur le devant du vaisseau : en ce moment, on noyait Pierrette, Maurepas et sa famille.

Un de ces bourreaux de mer vint alors appeler Boyer à son tour ; comme il ne répondait pas, étant encore sur le pont, le bourreau s’approcha de la place où il se tenait toujours à côté de M. Coupé, et demanda à celui-ci : Où est Boyer ? M. Coupé lui répondit qu’il ne savait où il avait passé. Eh bien ! monte toi-même. Le malheureux Coupé le suivit et fut noyé peu d’instans après Maurepas[1].

On en avait assez pour cette nuit. Boyer revient à sa place et ne voit pas son voisin habituel ; il demande tout

  1. Dans son manifeste de 1814, H. Christophe relate les circonstances de la mort de Maurepas de la même manière que M. Madiou (Histoire d’Haïti, t. 2, p. 355 et 356) ; mais il l’attribue à Leclerc, tandis que cet auteur l’impute à Brunet, et dit que ce fait eut lieu dans le canal de la Tortue. Boisrond Tonnerre, dont les mémoires ont été écrits en 1804, l’attribue aussi à Brunet, en disant : « Ce tigre l’arrêta, et ce malheureux fut noyé dans la rade du Cap avec une partie de sa famille. »

    Nous avons lu des pièces officielles émanées du préfet Daure, qui disent que Maurepas fut embarqué et noyé à bord du Duguay-Trouin, confirmant ainsi le récit de Boyer.