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2e et 5e demi-brigades, très-affaiblies par la guerre et les désertions : ces corps étaient placés sous les ordres directs de Christophe, et c’était avec eux qu’il avait traqué Sans-Souci avant sa défection. Ce barbare voulait immoler tous ces soldats et leurs officiers, comme leur général.

Pétion intervint encore pour le calmer. Avec ce ton qui persuadait toujours, il lui fit sentir que si, de part et d’autre, les indigènes n’oubliaient pas leurs luttes antérieures pour se rapprocher les uns des autres et combattre les blancs, ce serait assurer le triomphe de ces derniers ; il se donna en exemple, en rappelant qu’il avait été du parti de Rigaud, qu’il avait combattu alors contre Christophe et Clervaux ; mais que maintenant il se réunissait à eux pour résister aux blancs et assurer la liberté de tous ses frères. Ces paroles sensées, prononcées bien entendu en créole pour être comprises par Sans-Souci, Africain comme la plupart des siens, réussirent à le calmer. On prétend qu’il dit ensuite à Pétion, dans son langage semi barbare : « Vous regretterez un jour de m’avoir empêché de tuer Christophe. »

Nous ne savons pas s’il faut ajouter foi à une telle prédiction, qui aurait été un remarquable pressentiment de la part de Sans-Souci ; mais, quoi qu’ait fait Christophe par la suite, ce ne pouvait être pour Pétion une cause de regrets. Lorsqu’un homme fait ce qui est actuellement juste, il n’en éprouve, il ne doit jamais en éprouver, puisqu’il a rempli son devoir : à chacun la responsabilité de ses actes devant l’histoire et la postérité.

Certes, Pétion n’ignorait pas les antécédens de Christophe, notamment au siège de Jacmel ; mais en 1802, il s’agissait d’un oubli général du passé de tous pour triom-