Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/352

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Sans-Souci : subjugué par l’ascendant d’un homme civilisé et d’un ancien supérieur, l’Africain lui dit : « Général, que voulez-vous faire ? — Tu m’appelles général, tu me reconnais donc pour ton chef, car tu ne l’es pas toi même. » Sans-Souci n’osa pas répliquer, malgré la présence de ses bandes ; car il craignit, non sans raison, que Pétion, Clervaux et leurs troupes soutiendraient l’autorité dans la personne de Christophe : le barbare fut vaincu.

En ce moment, le colonel J.-P. Daut engagea Pétion à quitter une fois le Nord pour se rendre dans l’Ouest, leur lieu natal. « Laissons, lui dit-il, les gens du Nord s’arranger entre eux ; allons dans notre pays pour y combattre les blancs. » Il ordonna aussitôt à la 10e de défiler. Passant par la Ravine-à-Couleuvre, il se rendit auprès de Dessalines qui l’accueillit et dont il reconnut l’autorité supérieure.

Quant à Pétion, qui n’avait pas cet esprit de localité, il ne voulut pas partir sans avoir préalablement obtenu de Sans-Souci, la promesse formelle de ne plus chercher querelle au général Christophe, en lui représentant d’ailleurs tout le mal qui résulterait de ces divisions dangereuses. Il lui inspira tant d’estime et de confiance, que Sans-Souci lui fit de vives instances pour rester encore dans le Nord ; mais Pétion lui déclara qu’il fallait de toute nécessité qu’il joignît le général Dessalines.

Ne fut-ce pas un triomphe bien honorable pour cet homme, si célèbre dans nos fastes, d’avoir su commander le respect, l’estime et la confiance de tous ces anciens ennemis contre lesquels il avait lutté sous les ordres de Rigaud ? Par son ascendant, il domina, il entraîna Clervaux et Christophe, deux généraux de T. Louverture, en